Mercredi 15 mars (les Textes)

Ce qui m’a touché chez Rufus, quand je m’y suis plongée un peu plus et que j’ai ressenti le besoin de creuser un peu (très vite en fait), c’est sa capacité à s’exposer tout entier dans ses textes. Rarement j’ai vu quelqu’un livrer autant de soi dans ses chansons, s’offrir autant au regard, au jugement de l’autre, donner en pâture sa vulnérabilité.
C’est ce qui m’a emportée complètement je pense.

Car malgré tout ses excès, ses débordements, ce côté « too much », il faudrait être un monstre insensible pour avoir envie de démolir celui qui vous fait si totalement confiance, qui vous livre tout, ses doutes, ses démons, vous avoue ses plus épouvantables défauts, vous raconte les pires moments de sa vie, les plus intimes aussi parfois. Comment ne pas sombrer pour cet homme là qui vous prend à témoin, vous parle comme à un ami d’enfance ou à un psy, se déshabille si entièrement.

Chaque chanson qu’il écrit a une histoire qui le touche de près, si bien qu’à mesure des écoutes, on pénètre un peu plus dans son univers et l’on s’identifie finalement à garçon là, pourtant un parfait inconnu, pourtant si proche. Tout défile : ses espoirs, ses désillusions, ses égarements, sa quête terriblement banale du grand amour avec aussi, cette incapacité à se fixer, à construire sur le long terme.

La famille n’est pas épargnée, suivant ce qui est presque une tradition: les Wainwright ont l’habitude de régler leurs comptes en musique et sur la place publique. Sans qu’ils y soient indifférents pour autant, il semble convenu que tout ce qui peut donner lieu à une bonne chanson ne doit pas être mis de côté sous prétexte de pudeur. L’écriture en même temps remplace chez eux la thérapie, et permet parfois d’aller de l’avant.

Quel meilleur exemple que le bouleversant « Dinner at eight » (Want One), dans lequel Rufus règle violemment ses comptes avec un père dont l’absence l’a marqué (ses parents se sont séparés alors qu’il était très jeune).

« No matter how strong
I’m gonna take you down
With one little stone
I’m gonna break you down
And see what you’re worth
What you’re really worth to me

Dinner at eight was okay
Before the toast full of blames
It was great until those old magazines
Got us started up again
Actually it was probably me again

Why is it so
That I’ve always been the one who must go
That I’ve always been the one told to flee
When it fact you were the one long ago
Actually in the drifting white snow
Who left me?

So put up your fists and I’ll put up mine
No running away from the scene of the crime
God’s chosen a place
Somewhere near the end of the world
Somewhere near the end of our lives

But ’til then no, Daddy, don’t be surprised
If I wanna see the tears in your eyes
Then I know it had to be long ago
Actually in the drifting white snow
You loved me

No matter how strong
I’m gonna take you down
With one little stone
I’m gonna break you down
And see what you’re worth
What you’re really worth to me”

Le morceau est resté longtemps dans les cartons. Jusqu’à ce que Rufus se sente prêt et le joue devant son père, avant de lui dire qu’il ne figurerait pas dans le prochain album s’il ne le souhaitait pas.
Loundon Wainwright est un « homme ». Alors il a serré les dents et dit que c’était parfait.
Sa mère, en l’entendant, s’était elle effondré en larmes tant elle ne soupçonnait pas la force de ses sentiments.

Le titre est en piano voix, comme souvent lorsque Rufus veut donner tout son poids aux mots, mais pas seulement.

Tant et tant d’autres textes sont porteurs de sens, certains de façon très explicite, d’autres beaucoup plus subtilement. En tout état de cause, il serait dommage de limiter Rufus Wainwright à sa musique, si géniale soit elle. Etre de langue française demande un effort supplémentaire de notre part. Mais le jeu en vaut très largement la chandelle !

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