
Tout le monde vous dira que l’album « Want Two », dernier bébé en date, n’est pas l’album avec lequel il faut commencer.
Tout dépend, en fait, si vous souhaitez qu’on vous infantilise ou pas.
Commencer par ce qui n’est pas évident, par la richesse plutôt que la facilité, voilà une belle preuve de confiance. Que Rufus le provocateur a envie de faire à ceux qui sauront passer le test du premier titre. Cet « Agnus Dei » fantastique qu’il osa dès le départ d’une incroyable première partie, point de départ personnel d’un engouement qui ne s’est pas démenti depuis. Cadeau rare, je m’en suis rendue compte un peu plus tard, tant ce morceau est une performance vocale telle qu’il le joue finalement assez peu en concert.
Thème lancinant, c’est l’embarquement pour un voyage improbable peuplé de chant religieux sacré, d’un violon coloré de l’orient tzigane et de ce piano toujours, dans lequel l’artiste se fond pour former un tout. Un tout bien plus grand que la somme des parties, transcendé par une communion de circonstance.
Servie par la voix unique d’un Rufus qui va crescendo dans des graves inatteignables, la musique devient hypnotique.
Ce n’est pas pourtant « agréable » à écouter non, surtout pas même. C’est dérangeant, déroutant, foutrement envoûtant aussi. Et puis si vous commencez par ça, au moins les choses seront claires : Rufus Wainwright ne fait pas de la « fast musique », Rufus Wainwright se mérite.
Ne vous y trompez pas cependant, ce n’est pas de l’élitisme absolu. Comme toujours avec lui, il y a un second degré.
Car Rufus tend la corde pour se faire pendre, voudrait une reconnaissance de masse mais fait tout pour tester l’auditeur.
Finalement, tout ce qu’il vous demande c’est de poser vos valises et de lui accorder cette attention dont il a tant besoin.
Et j’ai écrit « attention » pour ne verser dans le melo et pas dire « amour ».
Quoi de plus tragiquement banal ?
Rufus est celui qui vous crie de partir quand ses yeux vous supplient de rester.