La route, le film

 

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Après La Route, le livre (de Cormac McCarthy, prix Pulitzer, et pas pour rien), La Route, le film.

Et l’éternel questionnement, pour succéder à une lecture qui m’avait coupé le souffle, aussi sûrement que l’aurait fait un uppercut reçu en plein ventre : comment adapter à l’écran un truc pareil ?

Le  » Road Movie « , en soi, est déjà un genre assez difficile. Alors, dans un monde apocalyptique qui n’offre pas grand chose à se mettre sous la dent, on se demande ce que le cinéma va bien pouvoir mettre en scène.

Certes, Hollywood aurait eu les moyens de farcir le film d’images dégoulinantes d’effets spéciaux (voir l’interplanétaire navet 2012, qui damne quasiment le pion à Twilight 2 en matière de crétinerie abyssale). Mais ça aurait été ignorer le livre, qui ne permet aucune ouverture de ce côté, avec une histoire qui se situe bien en aval de la catastrophe (dix ans plus tard). Frustrant ou pas, l’auteur fait volontairement l’impasse sur le  » Pourquoi du comment  » pour se concentrer totalement sur l’  » Après « . A prendre ou à laisser.

Qu’est-ce qui a bien pu décimer à ce point des milliards d’être humains, par quel miracle la poignée de survivants s’en est-elle sortie ? On n’en sait rien. Pourquoi le monde est-il recouvert de cendres, la faune a t’elle disparu, la végétation est-elle morte ? Pas plus de réponse.

Et pour cause : le propos du récit de Cormac McCarthy est ailleurs. Dépouillé comme le spectacle désolé qui s’offre pour tout décor,  il revient à l’essentiel, en questionnant l’essence même de l’humanité. Dans des conditions primitives, où l’unique préoccupation est d’assurer sa survie, qu’est-ce qui différencie l’homme d’une bête ? Ce propos, le cinéma l’illustre presque mieux que les mots n’avaient pu le faire, imprimant sur notre rétine des images épouvantablement réalistes. Sans doute parce qu’elles font écho à d’autres images de corps décharnés et de comportements inconcevables, les scènes avec la troupe de cannibales et leur garde-manger vivant sont terrifiantes. D’autres moments, s’attardant sur la relation père-fils, sont poignants (on pleure beaucoup, on vous aura prévenus).

L’acteur principal (Viggo Mortensen – le Seigneur des Anneaux, History of Violence) est tout simplement fantastique et réussit la prouesse de se faire oublier. Le charisme, la classe véritable, la profondeur, aux antipodes des acteurs bodybuildés au regard bovin, semblent être incarnés par ce géant du cinéma qui prend encore une dimension supplémentaire avec ce rôle de père prêt à tout, sur le fil.

Voilà pour les compliments. Voilà pour dire que oui, l’adaptation est globalement réussie et que le film vaut largement le détour.

Le bémol, à présent. Qui s’impose, né de ce simple constat : on avait refermé un livre avec le sentiment d’avoir lu, sinon un chef d’œuvre, en tout cas, un ouvrage marquant ; on ressort du film avec la sensation … d’avoir vu un bon film, souvent bouleversant, mais qui ne laissera sans doute pas de trace aussi durable.

Le je-ne-sais-quoi qui aurait fait la différence : un enfant un peu moins  » mignon « , un peu plus réaliste (l’enfant serait naturellement altruiste ? allons …) mais surtout une fin moins cinématographique, et pas cette sorte de  » happy-end  » Hollywoodien auquel on ne peut échapper malgré son camouflage.

Ce qui avait frappé, très fortement, au bout de la lecture, au bout de cette  » Route « , ça n’était pas cette prise en charge de l’enfant façon  » tout est bien qui finit bien « . Ce qui avait donné au livre toute sa puissance, c’était l’immensité de la déception. A la fin, il n’y avait rien. Leur seul moteur, l’immense espoir que cette perspective du sud représentait, la possibilité d’un  » quelque chose « , au bout de cette route, n’aboutissait finalement à rien. Tout était pareil partout. Rien n’était fini. Ce qui les avait motivé était un leurre, une illusion. Vanité de la quête. Interrogations qui demeurent.

Qui sommes nous. Où allons nous. Qu’est-ce qui nous fait avancer. Pourquoi ?

Un chef d’œuvre donne rarement des réponses. Il trompe l’évidente attente. Et pose des questions.

 Pour une fois, peut être vous conseiller de voir le film avant de lire le livre …

 

4 réflexions sur “La route, le film

  1. Viggo est égal à lui même, sublime !!!
    Pour les bémols, oui je suis un peu d’accord, maintenant sans avoir lu le livre, je me suis pris une grosse claque dans ce cinéma. Je me dis donc que tu as raison, pour le voir faut pas avoir lu le livre.

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