Après un EP qui suffit à lui construire une solide réputation, le 1er album de Tamino est sorti le 19 octobre 2018, comme un cadeau d’anniversaire pour celui qui fêtait ses 22 ans 5 jours plus tard.
Parallèlement, les scènes (ou annonces de scènes) n’ont pas cessé de s’enchaîner. Rien qu’à Paris, ce fut Rock en Seine à l’été (on vous le racontait ici), puis un Café de la Danse en novembre qui affichait complet des semaines auparavant, et par effet d’entrainement, une Cigale programmée le 6 mars (ce soir !), avant, très récemment, l’annonce d’un Olympia pour le 19 novembre 2019.
Un tel succès, aussi fulgurant, est bien rare dans le petit monde des artistes indé – indé qu’il n’est plus, d’ailleurs, l’album étant sorti chez Universal.
Sans présumer de l’avenir de l’artiste et de sa capacité à garder la maîtrise de son projet, ce démarrage exceptionnel n’a pourtant rien de surprenant, tant le jeune homme sort du lot à bien des égards.
Débarrassons nous déjà de l’encombrante comparaison avec le regretté Jeff Buckley. Qu’il s’agisse de son physique de ténébreux romantique (cf mes photos de ceux de Tamino à Rock en Seine ICI) ou du nombre impressionnant d’octaves qu’il maîtrise (5 pour Jeff Buckley, sans doute au moins autant pour Tamino), elle s’impose néanmoins forcément.
L’affolante amplitude vocale est ce qui marque le plus les esprits. Des graves les plus profonds aux aigus les plus irréels, entendre chanter Tamino est une expérience qui ne peut laisser indifférent, tant elle impacte physiquement le corps. En live, la dernière partie du titre Habibi (mon chéri, en arabe) frappe comme un uppercut, à couper le souffle. En soi, cette voix, seule, suffirait à élever le flamand au rang de super héros. Mais il y a plus.
Car la singularité de la musique de Tamino vient principalement de la richesse d’une double origine. Belge par sa mère, il tient d’elle et de son amour pour l’opéra son premier prénom – qui n’est pas un simple nom de scène. Et s’il lui doit d’avoir baigné dans la classique, enfant (sa mère chantait et jouait du piano comme du violon), l’influence rock de nos chers voisins a sans doute compté tout autant. Du côté paternel, l’héritage est tout aussi fort : son grand-père, Moharam Fouad, dont il tient sa guitare à résonateur (photo ci-dessous), était un chanteur et acteur très célèbre en Egypte et son deuxième prénom, Amir (« Prince », en arabe), qui donne son titre à ce premier album, est là pour revendiquer avec fierté ses origines.
Dès le départ, nous voilà donc avec un chanteur pop rock indé lyrique moyen-oriental pour le prix d’un seul homme. avec un résultat qui dépasse très largement la somme des parties.
Sur le disque, la qualité de la production musicale frappe par son exigence, marquée par les vibrations particulières et chaudes de l’orchestre traditionnel arabe. Avec lui, les racines égyptiennes de Tamino donnent leur couleur à de nombreux titres, dont So it goes, Habibi, Each Time ou encore w.o.t.h., dont le rythme effréné des percussions capture l’auditeur dès les premières secondes.
L’empreinte belge n’a pas moins d’importance. Ainsi, sur Chambers (et surtout Cigar), on se surprend à retrouver les accents traînants et désinvoltes de Maarten Devoldere, chanteur du groupe Balthazar et Warhaus (son projet solo), dont Tamino a fait la première partie.
Pas question de s’enfermer totalement dans un genre (ni dans un falsetto) : Tamino aime les contrastes sonores, et peut aussi, en ce qui concerne les arrangements, passer de la sophistication à la simplicité acoustique (Verses), s’offrant notamment une collaboration avec Colin Greenhood de Radiohead. Car l’objectif est avant tout de toucher celui qui l’écoute, peu importe le moyen. L’album se veut d’ailleurs le champion des émotions que seules font naître véritablement les premières fois.
De cette période de vie où tout est plus intense, Tamino dépeint à merveille le conflit entre les préoccupations romantiques naïves d’un tout jeune homme, qu’il n’a pas voulu réprimer, et le nihilisme de celui qui souhaiterait se protéger sans pour autant ignorer qu’à ériger des murs, on court le risque de passer à côté de la vie.
Finalement, entre chansons d’amour dépressives et regard distancié sur le monde, le chanteur se révèle, à la manière d’un Léonard Cohen, un merveilleux conteur qui finit par dépasser largement le spectre du seul talent de vocaliste pour nous donner à apprivoiser chacun de ses titres, l’un après l’autre.
Après l’évident Habibi ou encore le baudelairien Indigo Night (où l’auteur est comme prisonnier au fond de son cerveau, condamné à ne pas pouvoir profiter des plaisirs d’une vie ordinaire, avant d’être finalement sauvé), parmi les morceaux les plus intenses, c’est Perséphone, que Tamino interprète du point de vue d’Hadès, qu’on aime désormais infiniment.
En amour, cela s’appelle la cristallisation.
Photos (c) Isatagada.
https://www.youtube.com/watch?v=hC9cYiCUZoY


Je ne comprends pas l’anglais et c’est bien dommage, d’après ton article il est bien de pouvoir comprendre ce qu’il veut dire. Par contre, ces vocalises… j’ai rarement entendu un chanteur aussi à l’aise aussi bien dans des graves d’une chaleur incroyable que dans des aigus où il ne souffre même pas.
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Oui et ce que j’aime également chez lui c’est que sachant qu’il a ces capacités hors normes, il ne les mets pas à toutes les sauces. C’est une preuve d’intelligence à mon sens, d’essayer d’éviter ainsi l’effet « animal de foire » et de vouloir prouver qu’il n’est pas seulement une voix, aussi exceptionnelle fût-elle.
Qu’un membre de Radiohead soit suffisamment bluffé pour participer à cet album, mais également jouer avec lui sur scène, en dit long sur le personnage.
Merci pour ton commentaire !
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