Tamino @ la Cigale avec Colin Greenwood | 06.03.2019

Je vais être honnête. Après Rock en Seine et le festival Hop hop hop a Orléans, j’avais hésité à prendre mes places pour le Café de la danse de Tamino. J’avais pu me procurer l’EP, puis l’album en version vinyle et CD, entendu deux fois le même set live. Peut-être m’étais-je aussi laissée influencée par mon chéri, que Tamino ennuyait. En un mot comme en cent, je l’avoue, je pensais que j’avais fait le tour du jeune prodige. Aussi m’étais-rendue passage Louis-Philippe sans enthousiasme ; presque, en traînant les pieds.

Pourtant quelle joie finalement que ce Café de la danse ! Quelle belle soirée de musique et de chant, de modestie touchante et remarquable ! J’en étais ressortie enchantée, comblée, même.

A l’annonce suivante – celle de la Cigale, je n’avais pas hésité une seule seconde.

Et là encore, quelle soirée de pur plaisir.

Pour la quatrième fois – tout de même ! – en 6 mois, et plus encore que les fois précédentes, c’est sa voix qui a tenu la vedette. On a beau enchaîner les concerts, il en est très peu où l’artiste chante d’une façon aussi exceptionnelle. Pas une fausse note, pas une seule faiblesse, une facilité bluffante, un naturel déconcertant, une sûreté et une qualité de chant qui force l’admiration et le respect, malgré le tout jeune âge de Tamino.

Dès son arrivée, dans un grand manteau noir aux allures gothiques qui accentue encore sa stature hors normes, son charisme s’impose. S’il n’était pas si jeune, on penserait au spectre du Dom Juan de Mozart, dont il semble détenir tous les codes dramatiques. Et nous surprend d’entrée en n’ouvrant pas avec Perséphone à l’instar des concerts précédents, mais Intervals.

Après quelques titres, Tamino entame So It Goes, qu’on n’avait pas particulièrement distinguée les fois précédentes. Cette fois, c’est différent. On pourrait penser que c’est parce que Colin Greenwood s’est tranquillement installé sur scène pour donner la réplique au batteur – et bien sûr, ça y participe – mais ce n’est pas ce que l’on en retiendra le plus. Car le morceau, qui s’étire sur près de 10 minutes, coupe définitivement le souffle d’une Cigale qui ne touche plus terre et décolle, en communion totale avec l’artiste. Sur toute la deuxième partie du titre, les vocalises prennent aux tripes, serrant le ventre et baladant l’auditoire sur ses montagnes russes, à un rythme qui va tour à tour crescendo puis redescend, avec une maîtrise totale qui fait (pourtant) naître l’émotion.

C’est épique, c’est sublime, d’une intensité décuplée, ça dure une éternité qui ne semble néanmoins pas assez longue, et malgré la basse de Radiohead, c’est véritablement Tamino qui conserve la paternité de l’exceptionnel instant, ce qui force d’autant plus le respect.

https://www.youtube.com/watch?v=_frBWjCMC4I

Ovation. La Cigale toute entière, qui s’est retenue de respirer, a besoin d’exulter cet air trop longtemps retenu. Quant à moi qui ne m’attendait plus à être surprise à un concert de Tamino, il y avait de quoi cueillir n’importe qui pour cette nouvelle fantastique version, sans doute THE highlight de la soirée.

On passe sur la Javanaise, attention dispensable reprise en coeur par un public conquis de toute façon, qu’il enchaîne avec Verses (les 2 à voir ICI), pour repartir en apnée sur Indigo Nights, hypnotisés par sa voix profonde et grave qui cueille mes voisins de concert – leurs soupirs heureux en atteste.

Le retour de Colin Greenwood, plus attendu cette fois (c’est ce titre qu’il joue sur l’album) est une nouvelle occasion de duo rythmique pour lequel on ne saurait dire qui, du célèbre frère Greenwood ou du batteur, semble le plus heureux. Ce qui frappe, en fait, c’est de se rendre compte que c’est le vieux briscard qui a l’air le plus impressionné de la bande. Et ce ressenti, petit à petit, nous gagne à notre tour. A l’évidence, c’est l’alliance de tant de jeunesse et de talent qui suscite l’admiration de tous, rendant le reste presque anecdotique. Et puis, de nouveau, c’est la perfection de la voix du jeune belge, magistralement accompagnée par les chœurs de ses musiciens, avec lesquels il reste merveilleusement assorti, qui nous occupe tout entier.

C’est enfin le moment le plus attendu, celui d’Habibi, de LA démonstration vocale et de l’exercice fou de ce funambule qui frôle le castrat comme s’il s’agissait là de la chose la plus naturelle au monde.

Tamino l’a dit en de nombreuses occasions : il n’a jamais eu à faire aucun effort pour atteindre ces notes qui touchent au sublime. Pourtant, comme s’il avait à coeur ne ne pas devenir en une sorte de bête de foire, il a soigneusement évité le piège qui aurait consisté à en coller partout, refusant de s’enfermer ou de se définir par cette seule prouesse.

Même si je reste arc-boutée à l’incomparable souvenir de Rock en Seine (à revoir ICI, pour sa fin hallucinante, jamais égalée pour moi depuis), Habibi (« mon amour » ou « mon chéri » en Arabe) fait toujours son effet. J’ai beau me dire qu’il ne semble pas tout à fait aussi « dedans » qu’au Parc National de Saint-Cloud, peut-être même un brin désinvolte, impossible de ne pas rester suspendu à chaque son, chaque souffle qui sort de ce tout jeune adulte de 22 ans.

Serait-il ce que l’on appelle une « vieille âme » ?

Après les clameurs, Tamino s’est éclipsé alors que la Cigale en veut plus et réclame son retour.

Mais lorsqu’il revient, sous des acclamations, Tamino appelle Colin Greenwood à le rejoindre sur scène pour un ultime morceau. Or celui-ci a disparu. La salle se met alors à crier « Co-lin ! Co-lin ! », au moment même où un mouvement se fait derrière nous. On s’aperçoit alors que le dit Colin, pensant que la soirée était terminée pour lui et qu’il avait fait le job, loin d’être parti se poser en loge, s’était glissé parmi le public pour écouter tranquillement Habibi sans que personne ne remarque sa présence.

Le voilà qui se fraye un passage parmi nous (on entend ma fille, à 0:35 « he touched my shoulder mum !!! ») avant de se hisser sur scène depuis la fosse, pour surprendre Tamino.

Quelle classe, quelle simplicité, quelle humanité aussi dans ces instants invraisemblablement « bon enfant ». Grand moment. Très drôle. Que nous ne sommes pas près d’oublier !

Après une soirée pareille, ne serait-il pas inconcevable de ne pas y retourner un cinquième fois le 19 novembre prochain ?

La réponse ne fait aucun doute !

Set list : Intervals / Sun May Shine / Cigar / Each Time / Reverse / So it Goes / La Javanaise / Verses / Tummy / Indigo Night / Persephone / Will of this Heart (w.o.t.h) / Habibi // Encore : / Smile

Photos et Vidéos by Isatagada, sauf So It Goes (by Jeff Bosvieux) et Perséphone (by Myosotisatis) (merci à eux)

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