
Tamino a fêté ses 23 ans le 24 octobre dernier.
Cette seule pensée me donne le vertige alors que les lettres de son nom s’affichent en lettres d’or sur la façade de la salle mythique de l’Olympia, boulevard des Capucines à Paris.
23 ans, c’est l’âge de mon fils à quelques mois près. Comment ne pas y penser alors que des sentiment mêlés se bousculent.

L’Olympia, c’est énorme. 2000 places debout à l’orchestre et 824 assises au balcon. 2824 places en tout. 2824 personnes venues rien que pour le voir lui, l’enfant surdoué dont on conservait encore jusque là le secret bien gardé.
À quel moment l’artiste indé (donc quasi confidentiel) bascule t’il dans la sphère grand public ? Et quelle sensation étrange que celle de le voir jeté dans le grand bain et tout risquer, quand on aurait à la fois voulu le protéger et le voir s’envoler très exactement ainsi ?! Ce n’est pas pour rien que je parlais de mon fiston. C’est précisément le même genre d’émotion que l’on ressent avec son enfant : aimer inconditionnellement, vouloir garder pour soi et en même temps souhaiter le départ, la réussite, le bonheur.
Saint-Exupéry le disait dans Citadelle : aimer, ce n’est pas un prêt, ce n’est pas garder pour soi, c’est n’attendre rien en retour, ce n’est même pas un échange (car alors, c’est du commerce). Aimer, c’est un don total. Aimer, c’est abandonner. Aban-donner.
Et c’est très effrayant.
On aurait dû savoir que c’était inéluctable. Mais aussi rapidement ?
L’urgence pourtant se retrouve dans toute l’histoire de Tamino. Qui a arrêté le conservatoire pour écrire ses propres compositions, ses propres textes. Et y a mis toute sa jeunesse, toutes ses premières fois, cette exaltation qui ne peut par définition qu’être fugace. Quelle impressionnante conscience du temps qui passe, de l’impérieuse nécessité de retenir cette candeur dont il sait qu’elle le quittera très vite. Quelle maturité dans cette reconnaissance de ce qu’il est et qui lui file entre les doigts, dans le fait d’assumer sa part de naïveté comme s’il savait quel trésor fragile et inestimable c’était, trésor dont il ne serait que l’heureux dépositaire pour un court moment.
On comprend pourquoi la comparaison avec Jeff Buckley le limite, lui qui n’aspire qu’à l’absolu, lui dont toute l’œuvre tend vers l’ouverture, la libération, à l’exact opposé de l’enfermement dans une case, si prestigieuse soit-t’elle.
Tamino fait de son mieux, d’ailleurs, pour être bien davantage qu’un producteur de vocalises enchanteresses. Il a pris soin, dans ses compositions, de ne pas abuser des notes hautes d’Habibi, magistrales, qui lui valent un triomphe encore une fois ce soir, dans une version revisitée avec un long solo de oud en introduction.
https://www.youtube.com/watch?v=RK5KaI8O2l0

C’est son message adressé à tous ceux qui voudraient faire de lui un singe savant.
Car Tamino aimerait qu’on s’intéresse avant tout à ses chansons, pas seulement à cette voix capable d’embrasser quatre octaves et dont il dit souvent qu’il l’a toujours eue, comme pour s’excuser de n’avoir jamais eu à faire aucun effort.
Du reste, il Il y a chez lui un mélange d’orgueil et d’humilité qui force le respect, le rend intéressant et fait tendre l’oreille.
C’est ainsi qu’avec le temps, la porte ouverte par Habibi conduit à s’approprier tout le reste. Perséphone pour ses paroles qui trouvent écho en chacun de nous (« Indeed, it’s wrong to keep you near me »), Chambers qui nous transporte de Balthazar à Radiohead, So it goes qui s’étire désormais sur près de 11 minutes crescendo et m’emporte très loin (ces cris qui prennent aux tripes à partir de 8:30 !), devenant ma préférée en live, la mélodie d’Indigo Nights qu’on ne peut s’empêcher de fredonner, et j’en passe…
https://www.youtube.com/watch?v=ZGdBJ1obtUI
Ce qui est fou, avec Tamino, c’est que le talent est partout. Dans sa technique vocale qui flirte avec le divin, dans son intelligence et sa finesse de composition et d’écriture (« But you’re everywhere, yes you are / In every melody and in every little scar / you are, you are, love » – Habibi) (décidément, ce « every little scar » me fout par terre à chaque fois) dans sa façon de transcender ses morceaux sur scène et de captiver par sa seule présence, de nous laisser totalement suspendus à ses lèvres dans une sorte d’envoûtement collectif, de tirer avec bonheur le meilleur de ses deux cultures, européenne et arabe, pour en exprimer toutes les richesses, de choisir avec le plus grand bonheur des musiciens incroyables.

Mais le plus fou, c’est de finir par trouver la présence de Colin Greenwood, quand même le bassiste de notre groupe préféré de l’univers entier, anecdotique au regard de la parfaite association avec son clavier (Vik Hardy) et son batteur (Ruben Van Houtte – quelle batterie absolument fantastique) ou du featuring des musiciens traditionnels à la flûte et au oud (Housem Ben El Kadhi & Tarek AlSayed), que l’ont voit pour la première fois à Paris.
On marche sur la tête mais cependant, rien n’est usurpé ; tout est à son exacte place.

Et sur cette scène de l’Olympia qui acclame avec ferveur ce tout jeune homme de 23 ans, comme on aime le voir enfin sourire et ouvrir les yeux, se détendre et se laisser aller à quelques phrases dans un français hésitant (« Merci je vous adore… , c’est un rêve pour moi »).
Alors on réalise pour de bon que celui qui a enregistré il y a seulement deux ans une démo sur son téléphone est entré dans la légende et qu’il va falloir le laisser aller.
Car Tamino, au delà du prénom, s’est fait définitivement fait un nom.

Album photo Tamino @ Paris Olympia, (c) Isatagada ICI (cliquer sur la photo)
.
Playlist Vidéo :
Tout le concert a été filmé par ARTE Concert : https://www.arte.tv/fr/videos/093359-000-A/tamino-a-l-olympia/
Set list :

comme j’aurais aimé être là!!! j’ai découvert Tamino cette année-là et je l’ai raté de peu à Lille, à mon grand dam quand j’ai découvert qu’il venait de passer à quelques rues de chez moi! mais je m’estime heureuse d’avoir enfin pu le voir au Trianon, qui reste une très petite salle ☺︎
par ailleurs quelle surprise de découvrir votre blog, je vous reconnais d’après les lives que vous avez postés sur Youtube, haha!☺︎
J’aimeJ’aime
Bonjour Madeleine, merci d’être passée et d’avoir écrit sur le blog. J’y ai conservé tout ce que j’ai le concernant ici :
https://isatagada.wordpress.com/tag/tamino/
Il y a Rock en Seine (ma première fois, la plus belle version d’Habibi que j’ai pu entendre, et mes plus belles photos aussi), la Cigale, 2 Cafés de la danse, malheureusement pas Orléans que j’ai vécu sans appareil photo, comme une escapade (et parfois c’est bien, mais ensuite comme je regrette de n’avoir pas pu figer tous ces souvenirs !!), ni le Zénith (car je procrastine parfois beaucoup) ainsi que les chroniques d’album.
Si d’aventure vous découvriez d’autres artistes, je serais comblée !
Et pour compléter, je mets normalement les liens vers le blog ou les photos dans les descriptions des vidéos.
A bientôt peut-être, ici ou ailleurs 🙂
J’aimeJ’aime