Dire qu’on attendait ce concert de The Murder Captital au Trabendo serait un euphémisme.
Depuis sa sortie le 20 janvier, on n’écoutait plus que Gigi’s Recovery, un 2ème album addictif déjà capable de prendre ses distances avec les débuts du groupe.
Plus mélodiques, plus « chantés » aussi, les titres évoquent des thèmes détachés de l’emprise d’une période sombre marquée par le suicide d’un ami proche du chanteur James McGovern, et le décès de la mère du bassiste Gabriel Paschal Blake. Le groupe se projette désormais dans le futur, explorant de nouveaux sons, de nouveaux horizons personnels et artistiques. Ce pari, peut-être risqué, ils l’assument pleinement en interview : ils ne se voyaient pas faire la même musique alors qu’eux-mêmes changent, écoutent des choses très différentes, aspirent à de nouvelles tranches de vie.
La morgue passée des très jeunes musiciens (22 ans de moyenne d’âge à la sortie du 1er album) a laissé la place à l’assurance d’un groupe à la maturité avérée. C’est peu de dire que les dublinois impressionnent avec leur maitrise parfaite de la scène, de leur instruments, de l’équilibre du set dans son ensemble. Cette sorte de « force tranquille » qui émane désormais du groupe n’empêche ni la sincérité, ni la générosité, ni même l’atmosphère électrique sur scène. Et dans la fosse, ça pogote toujours autant pour ce 2ème album, même si More is Less semble emporter le trophé haut la main !
Ce qui frappe également, cette fois, c’est la joie évidente, assez hors normes, de ces retrouvailles avec Paris. Il faut dire que la maman de James McGovern y habite, et que certains d’entre eux y ont vécu. En somme ils jouent presque à domicile, et c’est assez drôle d’entendre le chanteur venir chercher son public avec un « Ça dit quoa ?! » (en français dans le texte) qui change des sempiternels « Bonsoir Paris ! ».
En face, on sent que le public n’est plus ce public un peu curieux mais encore (relativement) distant des premières fois ; il est désormais connaisseur, fraternel, totalement acquis à la cause de ces irlandais adoptés sans réserve. Le Trabendo est là pour faire la fête, danser, sauter, hurler des paroles à l’unisson, prendre du plaisir et rendre ce qu’il reçoit.
Les titres du nouvel album sont attendus et désirés ; ils fonctionnent si bien que même Only Good Things, jugé décevant à sa sortie, se révèle une excellente surprise (plusieurs mois plus tard, c’est justement cette mélodie qu’on se retrouve à fredonner). Le message d’espoir, positif, rompt d’une façon si radicale avec la morosité ambiante qu’il fait un bien fou. Entre le refrain repris en chœur et la danse collective, la bonne humeur explose et se voit sur tous les visages. Le partage est total.
A Thousand Live, dont la construction laisse à chaque musicien l’occasion de briller, est un peu gâchée par mes voisins qui décident qu’ils auront justement une conversation bruyante à ce moment précis. C’est mon titre préféré sur le disque, avec sa batterie très radioheadienne, les dialogues de guitare qui répondent au chant grave et s’envolent dans des sphères enchantées, la progression du morceau tout sauf linéaire, le bonheur manifeste à jouer ensemble, tout est remarquable.
James McGovern, si c’est possible, est encore plus captivant, intelligent, généreux d’un concert à un autre. Son regard en dit long sur son authenticité et sa détermination. Depuis la dernière fois, il a laissé tomber ses postures provocantes pour exposer une profondeur qui irradie autour de lui. Sans arrêt, il cherche le contact avec le public. Pendant une grosse partie du concert, on le trouvera debout sur la barrière, en équilibre appuyé sur le bras dévoué d’un premier rang. Il ne sera pas, non plus, avare de slam sur une fosse qui en redemande. On n’est pas loin de le trouver carrément époustouflant, en fait. Jusque dans sa façon de chanter Ethel, ce formidable titre dont il dit volontiers qu’il est son préféré et que l’on se demandait s’il parviendrait à chanter son début hyper casse-gueule – évidemment, il est magistral.
Au grand damn du Trabendo, il n’y aura pas de rappel possible.
Alors que les lumières de la salle se sont rallumées au son de The Blaze, c’est la main d’un musicien caché derrière le rideau qui battra la mesure en rythme et nous fera rire pendant un long moment (on soupçonne le bassiste).
Assurément, personne n’avait envie de se quitter ce soir…
Photos et vidéos (c) Isatagada

















