Louis-Jean Cormier @ La Boule Noire | 22.03.2023

Peu d’artistes donnent l’illusion de les connaitre intimement. Louis-Jean Cormier est de ceux-là, dont il faut se forcer en le voyant traverser plusieurs fois la salle de la Boule Noire pour se souvenir qu’il n’est pas notre ami, et ne pas l’arrêter pour lui dire bonjour.

Faut-il être incroyablement talentueux, et à la fois, d’une humilité et d’une simplicité déroutante, pour susciter ce sentiment chez les gens, cette tendresse, même ?

Puisque la France semble s’évertuer à ignorer ses cousins Québécois (« Ah non, on ne fait pas les Québécois ici » – Fnac des Halles, avril 2024), ce que l’on peut regretter pour l’artiste est plutôt une chance pour ses fidèles, qui profitent ainsi de l’ancien leader des regrettés Karkwa dans des conditions exceptionnelles.

Dans ce lieu à la jauge minuscule (200 personnes), le concert affiche évidemment complet.

Sur scène, Louis-Jean est seul avec sa guitare, son sourire et ses yeux plein d’étincelles, pour un set aussi dépouillé que grandiose (oui, c’est possible). « Vous aurez peut-être l’impression de n’entendre qu’une seule et même chanson », prévient-il avant d’embarquer la salle pendant près de deux heures, sans lui laisser le moindre répit. Tant pis pour ceux qui auraient aimé applaudir entre chacun de ses morceaux, le musicien-poète les enchaîne en les entrelaçant, menant totalement la barque, nous conduisant très exactement là où il l’a décidé.

Mêlant les époques et les albums, avec même, une goutte de Karwa (Echapper au sort), il est aussi le maître du rythme, qu’il est capable d’accélérer tout à coup, relayé seulement par les martèlements de son pied sur la scène.

Happés par le récit, les mots, la poésie, la musique qu’il déroule en parfait chef d’orchestre, ceux qui sont venus l’écouter sont entrainés du rire aux larmes. Car bien sûr, l’homme est capable aussi bien de raconter n’importe quoi (« Vous allez entrer tout nus à l’intérieur de moi ») que de s’adonner aux confidences les plus intimes.

C’est ainsi que pour la première fois, on l’entend parler de son père, ancien prêtre, décédé en 2020, et de ce qu’il tient de lui (sa façon à lui de marcher dans ses pas en prêchant à sa façon ; le chemin, plutôt que la route…).

Au somment de la montagne ce soir, ce moment d’émotion intense, le titre 138, aux paroles bouleversantes, qui lui rend hommage :

Difficile d’échapper à la communion qui nait entre le canadien francophone et ceux qui l’aiment le plus ici. Beaucoup de paroles sont fredonnées en chœur, c’est comme si nous étions liés. A lui, entre nous. C’est fort, c’est beau. On en redemande.

Alors, après avoir « réintégré [nos] corps » au troisième « fort » (« Est-ce que l’on s’aime encore, fort ? » Oui !), on goutte aussi à l’enthousiasme intact de celui qui avoue se redire fréquemment à quel point le rappel l’émerveille chaque fois car c’est une chance, pas quelque chose que l’on peut considérer comme acquis.

Comment ne pas succomber à l’être humain, en plus de l’immense artiste ?

En playlist vidéo : Saint-Michel, Tout Tombe à sa Place, Traverser les Travaux, Faire Semblant, Marie tu Pleures, Tout le Monde en Même Temps, Echapper au Sort, 138.

Allez lire l’article et regarder les photos Renaud de Foville, de l’excellent site Le Cargo! >>> https://www.lecargo.org/spip/louis-jean-cormier/la-boule-noire-paris/article12153.html (Renaud, quel plaisir de te croiser enfin « en vrai ! »)

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