Ce que je dois à Thierry Amiel

Thierry Amiel & I, Bataclan, 2004

Thierry Amiel & I, Bataclan, 2004

 

Bien.

Vu tout ce que je vous ai donné à manger (du Rufus Wainwright, du dEUS, du Radiohead …), je crois qu’il est temps que je fasse mon coming-out.

Car j’aime Thierry Amiel, et si je n’étais pas tombée sur ce type là il y a trois ans, il est très probable que je ne serais pas sur ce blog aujourd’hui. J’aurais continué ma petite vie pépère. J’aurais zappé internet. Je ne me serais pas investie pour lui,  ne me serais pas (ré)intéressée à la musique, n’aurais pas bousculé mon intraverti mais adorable mari (il était allergique à la foule des concerts) serais restée coincée dans mes affreuses et tristes certitudes.

Avant ce printemps 2003, j’étais devenue blasée ; j’étais forte, en sécurité, je jugeais tout le monde et surtout ce monde là (la téléréalité). Ses émotions, qu’il affichait d’une façon que je trouvais indécente au début, me dérangeaient. Au fil du temps j’ai compris que le problème était chez moi. Il avait ce courage (que je n’avais pas) de s’exposer et de mettre en exergue ce côté que nous avons tous et que nous cachons si bien. En fait il ne m’a pas seulement appris à ouvrir les oreilles, il m’a aussi appris à accepter d’être émue et à oser le dire, ce que j’avais oublié

Je ne sais pas comment ça arrive, mais ne tombez pas là dedans : un jour, sans que l’on sache comment c’est arrivé, on se réveille et on se découvre VIEUX. On a tellement « appris », acquis de « l’expérience » que finalement on ne vit plus rien, on est enfermé dans une espèce de Ouate bien douillette qui nous protège de tout : le boulot, le mari, les enfants, la routine, cette façon d’être un peu blasé de tout, de tout regarder avec distance. De juger. De juger. De juger. On en crève !!!!!

La vie c’est de se rendre compte de ce que l’on a, mais c’est aussi de continuer à se mettre en danger ! Il faut s’autoriser à souffrir, comme quand on est ado : c’est là qu’on vit les moments les plus durs peut être mais aussi les plus fous, les plus exaltants : on est formidablement vivant !!!

Thierry m’a vraiment bousculée, parce qu’il a balayé tous mes principes, et surtout toutes mes certitudes. Parce que la première fois que je l’ai vu tout me gênait horriblement : sa voix aigue, sa façon de chanter, cette souffrance je trouvais outrancière, et son physique impossible : corps maigrichon et si grand qu’il ne savait qu’en faire, cheveux filasses gras ou plein de gel, collier de chien, démarche caricaturale … Je le trouvais juste « too much », affreusement ridicule, j’en avais « de la peine pour lui ». Si j’avais été dans le jury, il n’aurait pas passé le premier tour avec moi. Un comble !

Pourtant au fil du temps, j’ai fini par aimer tout ce que je détestais … cette sensibilité, cette fragilité surtout que je lui en voulais d’étaler comme ça …

Comment s’acharner sur quelqu’un qui se livre autant ?

Comment ne pas se rendre compte de ses propres faiblesses quand un jeunot de 20 ans nous les balance à la figure et prend tous les risques à notre place ?

Bref, j’ai fini par me retrouver un jour en larmes devant ma télé. Jamais un minot de cet âge n’aurait dû pouvoir chanter « avec le temps » de cette façon là …

Et je suis ENFIN à nouveau ridicule, comme quand j’avais 14 ans. Mais je me suis enfin rendue compte qu’être ridicule n’était pas une faiblesse, mais une force. Quand on est ridicule souvent, c’est qu’on est passionné en effet. Et c’est une immense chance.

Nous agissons tous (sauf à être très fort; je ne suis pas de ceux là) en fonction les uns des autres, parce que l’AUTRE qui nous fait pourtant si peur est celui en même temps qui détient le pouvoir, par cet espèce de phénomène de masse, de nous faire abonder dans son sens pour ne pas nous sentir « exclu ».

Et pourtant, qu’est-ce qui est infiniment riche et intéressant : est-ce d’être comme tous les autres et de se conformer à des idées, à des comportements qui à force d’en être réduits au « plus petit dénominateur commun » ne représentent finalement vraiment personne, ou bien de partager nos différences, de communiquer sur nos individualités ????

Je crois qu’en étant honnête avec nos sentiments, en défendant chacun ce en quoi nous croyons sans attaquer le voisin, nous nous aidons les uns les autres à nous sortir d’un certain conformisme qui tue cette richesse. Il faudrait arriver à être fier de ce que nous sommes, de ce qui nous démarque. Pas en avoir honte

Nous avons tous à y gagner.

NB : pour ceux qui viennent d’un autre monde : Thierry Amiel est le finaliste malheureux de la 1ère édition de l’émission « Nouvelle Star »

4 réflexions sur “Ce que je dois à Thierry Amiel

  1. Isa, mon Isaaaa ! C’est super ce que tu as écrit là, c’est à la fois criant de vérité et TOUCHANT j’adore bravo !!!
    Ps : ne m’oublie pas 😦 lol
    Bisous phany

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  2. hat too ! je prend meme plaisir a te relire deux fois,c’est tellement vrai !
    La passion restera chez certaines personnes vitale pour l’ avenir!
    je l’ai aussi compris, un jour de constat destructeur pour une certaine idéologie de vie, et ton parcour ne peut me laisser indifferent,c’est un reflet que je prend aussi en pleine gue—
    je te tire ma reverence !

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  3. Alors là, je dis chapeau ! C’est honnête, clair et très touchant. Le message est transmis en totalité et l’émotion avec. Une belle leçon que tu nous transmet après l’avoir toi-même intègrée. Merci Isa92.

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