Assise à côté de Jérémie Kisling

Je dois à Deedo ce grannnnnnnnnnnd moment de solitude vendredi soir. Car après avoir miaulé, grogné, aboyé, sifflé comme un oiseau, tremblé devant son sauté de piano, admiré sa superbe et virtuse violoniste et fredonné en coeur ses jolies chansons, il a fallu vivre ce truc là : monsieur Kisling en effet, avait besoin de faire monter une potiche sur scène qui soit « l’éloge de la féminité, de la fécondité, de la … (etc) ». Assise au premier rang, le jeu consiste alors à regarder ailleurs en attendant que la foudre tombe sur le voisin. Lequel voisin, quand c’est une voisine, n’attend pas cette foudre là et agit carrément pour la détourner.

C’est ainsi qu’avec le doigt de ma chère Deedo pointé au-dessus de ma tête sans que je m’en aperçoive, son choix a été vite fait, inutile de protester … Me voilà donc gravissant les trois marches qui allaient me porter vers la célébrité et embrassant l’artiste. Il faut dire comment on s’appelle dans le micro, et aller s’assoir sur la tabouret de piano. C’est rudement petit un tabouret de piano, j’ai une fesse et demie dans le vide et je vais devoir tenir en équilibre comme ça pendant toute la durée de « petite nature », que j’avoue à ma grande honte ne pas vraiment connaitre. Je sens bien que l’ego du monsier n’aime pas ça, en même temps, mon ego de potiche … 

Le pire je crois, c’est qu’il me dit que ça va aller : il n’y a rien à faire, juste rester sans parler ! Argh, je me retiens, il ignore sans doute, que c’est un exploit de me faire taire pendant plus de trois minutes d’affilé. D’ailleurs j’ai un peu de mal à ne rien faire du tout. Ce n’est rien d’être sur scène quand on a quelque chose à y faire, mais là … Je regarde dans la salle et je ne vois rien, tout semble noir, pas un regard auquel s’accrocher. Dois-je jouer la potiche à fond et baisser les yeux en rougissant, faire partie du spectacle, ou encore me faire oublier ? La question est existentielle. Moins toutefois que d’autres considérations élévées : tiens toi droite ! rentre le ventre ! et merde pourquoi n’ai-je pas mis de jean avec un haut noir plutôt que cet ensemble jupe-petit pull blanc-foulard dans lequel je fais affreusement mémé-de-Neuilly et cinq bons kilos de plus ?

Je m’arrange finalement, avec des yeux au ciel ou des mimiques qui font rire le public et m’arrêter bien vite : ça n’est pas une chanson drôle après tout, je vais me contenter de le regarder jouer religieusement … Et même si Elodie, aussi talentueuse que belle et sympathique me dira après le concert qu’elle en a vu pas mal et que je me suis bien débrouillée, je crains d’avoir trouvé ça horrible … même si … allez, je me suis bien amusée !

Au delà de ce moment de ridicule gloire, il me faut me dépétrer de mon très égocentrique réçit pour raconter cette musique plus complexe que l’apparente simplicité des chansons, et revenir notamment sur le violon de la sublime Elodie et ces émotions que je n’avais jusqu’à aujourd’hui ressenti qu’à proximité immédiate d’un piano à queue. Il n’y a pas à dire, certaines notes prennent un relief que seul procure les instruments classiques, et il y a un immense plaisir à les laisser nous envahir …

La complicité existe entre Jérémie et ses musiciens, outre Elodie au violon donc, Raphael à la basse, Grégoire à la batterie et Grégory à la guitare prennent suffisament de place  pour que je me souvienne de leur prénom et dynamisent sur scène des titres qui deviennent plus « pop » (parfois même « pop-rock » grâce à la guitare électrique de Grégory – très jolie chemise Grégory au passage -) qu’ils ne m’apparaissaient sur l’album

Reste la poésie de textes que je trouve vraiment jolis et sincères, celle d’un garçon qui se croit ordinaire et qui sait comme personne retranscrire les émotions quotidiennes. Sans doute ce qu’il y a de plus difficile à faire, je suis bluffée par ce talent là. Il me manque alors ce je-ne-sais-quoi qui me rend généralement un artiste touchant, lorsque celui-ci parvient à baisser les barrières pour prolonger la chanson, tendre la main à celui qui l’écoute et lui faire suffisamment confiance pour s’exposer un peu plus … Dommage.

Petite séance de signatures dans le hall après le concert, les gens appellent « Isabelle ! » lorsque je passe auprès d’eux, je les regarde étonnée, essayant de me rappeler de ces gens, si je les connais, avant de percuter que j’étais sur scène devant eux avec ce prénom qui est le mien, même si je n’ai vu aucun d’entre eux. Voilà ce que ça fait donc … Etrange en effet.

Les musiciens sont là aussi et discutent avec tout le monde, j’ai un peu honte d’être venue sans mes disques à dédicacer, comme si après avoir avoué que je ne connaissais pas la chanson, il fallait lui prouver que je les avais, ses fichus albums, les deux même ! Culpabilité toujours, on ne se refait pas … J’attends longtemps, j’ai horreur de la foule. Deedo lui raconte comment elle l’a connu, je parviens à lui donner la bio d’Anthony Fletcher qui lui a envoyé son album il y a peu, il promet qu’il l’écoutera.  »Tu travailles avec Anthony Fletcher ? » demande une jolie voix derrière moi. C’est Faustine de Radio Néo (Vive Radio Néo – 95.2 !) qui l’avait interviewé et diffuse ses chansons sur les ondes, à qui je demande plus encore.

Le monde est petit … Le monde est joli … Et je rentre chez moi enchantée de ma soirée …

10 réflexions sur “Assise à côté de Jérémie Kisling

  1. Hello Istagada,

    Très drôle ce moment de concert ! C’est vrai que ce doit être une expérience troublante… De mon coté c’est ma femme à qui c’est arrivé, lors du spectacle « Le dresseur de piano » de Roberto D’Olbia (que je te conseille à mourrir, si tu ne connais pas…). Mais en plus de monter sur scène, il lui a demandé de participer !!!
    Bonne continuation,
    Au plaisir de te lire,

    Guybrush

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  2. tout comme Marie-Hélène (qui m’a hébergée sur Paris pour pouvoir venir!), tu es une des meilleures Petite Nature que j’ai vues! pile poil comme il fallait 😉 j’ai été contente de te rencontrer, même si c’était très court et j’ai enfin mon album de Anthony!!!!!!!!!!!!!

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  3. J’étais là, et je suis du même avis qu’Elodie… tu as carrément assuré. J’ai vu pas mal de concerts de Jérémie Kisling ces derniers mois et tu es la seule à avoir réellement joué la potiche, sans trop en faire… les autres ne jouaient pas, elles étaient juste béates devant Jérémie. Donc bravo à toi 😉

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  4. c’était obligé que ça tombe sur toi Isa…comment te résister? La prochaine fois je m’arrange pour que tu sois assise à côté de Rufus pendant Poses.

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