Musiques pour Théophile

Dessin D.P. (marraine de Théophile)

La musique ponctue nos vies.

Elle marque, comme un repère, la fin d’une vie d’avant. Avec des mots simples, qu’on aurait aimé propres à circonscrire un état, elle évoque ce temps où l’on avait seulement normalement peur.

7 octobre 2022, le jour où tout a basculé, L. et V. partiront avant la fin du concert de Florent Marchet.

« Promets-moi mon enfant, de passer ton tour / Promets-moi mon enfant, de rester vivant ».

De Justesse ne sera plus jamais écoutée sans penser à Théophile.

9 mois moins 3 semaines plus tard, la musique du film « Bleu » résonne dans l’église qui n’a jamais été aussi pleine, pour l’entrée du cercueil noir d’un tout jeune homme, porté par ses amis qui n’ont pas vingt ans.

Au centre de cette église inondée de la lumière filtrée de ses vitraux colorés, sa sœur fait le récit des mois indicibles. Elle est si forte. L’amour irradie de partout.

Dans son témoignage, la musique est toujours présente, par petites touches, comme autant de petits bonheurs inestimables, elle ponctue le parcours de cette vie qui s’en va (« J’ai acheté un ukulélé »).

Le monde s’est dédoublé (enregistrement du spectacle Les Troyennes) remplit l’espace et nous saisit. La voix est belle, pure et claire ; malgré l’inconcevable, les paroles exhortent à célébrer la vie.

« Regarde derrière les nuages / Il y a toujours le ciel bleu azur / Qui lui vient toujours en ami / Te rappeler tout bas / Que la joie est toujours à deux pas ».

Au cimetière, au milieu des fleurs des champs qui recouvrent les emplacements inoccupés, après les mots inoubliables des copains et de sa grand-mère à l’ombre des grands arbres, la tendresse de Pauline Croze accompagne ses proches pour la seconde fois de la journée, tandis que les derniers mots d’amour écrits au feutre mettent de la couleur sur le noir.

« T’es beau, t’es beau parce que t’es courageux […] Je n’ai pas de recoin silencieux […] Quand je pense à toi, toi qui sors de scène, sans armes et sans haine […] J’ai peur d’oublier / J’ai peur D’accepter / J’ai peur des vivants / À présent ».

« As-tu senti parfois que rien ne finissait ? / Et qu’on soit là ou pas, quand même, on y serait / Et toi qui n’es plus là c’est comme si tu étais / Plus immortel que moi mais je te suis de près ».

Sous le soleil qui caresse une dernière fois le cercueil, l’ami fidèle chante Bashung à la guitare, avant de remettre son chapeau noir et de céder la place pour le dernier hommage.

A la guitare électrique, celle de Théophile, son parrain et sa compagne interprètent magnifiquement Comfortably Numb de Pink Floyd, portant la file interminable de tous ceux venus entourer les vivants, et dire adieu à Théophile.

La musique ponctue nos vies. Elle sublime nos joies et adoucit nos peines. Exprime nos cœurs.

Ces musiques-là resteront gravées en moi.

Elles sont, aujourd’hui et à jamais, les musiques de Théophile.

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En mémoire de Théophile G.

29 janvier 2004 – 12 juin 2023

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EDIT

Avec son accord, je partage avec vous le témoignage de son frère Baptiste, à propos de l’association Siel Bleu, qui leur a offert une escapade de joie hors du temps, aussi précieuse qu’inoubliable.

Journal La Jaune et la Rouge, numéro de novembre 2023

Le site de l’association : https://www.sielbleu.org/

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